ANGOLA : « Aire Acondicionado » sous la loupe de Michel Amarger

AMARGER Michel
AMARGER Michel - - FRANCE
Date de publication : 01/03/2021
Aire Acondicionado

Descente dans l’air toxique de l’Angola. Une fiction intrigante et réussie découverte au Festival international du film de Rotterdam 2020, sélectionnée à Fribourg, qui a été plébiscitée sur Internet. Aire Acondicionado de Fradique (de son vrai nom Mario Bastos) est une expérience cinématographique sous la forme d’un récit hypnotique et viral.

L’action se déroule au centre-ville de Luanda et suit le jeune sans-abri Matacedo, un gardien de sécurité dans un complexe d’appartements, entrecoupé de ses conversations avec Zezinha, une femme au foyer un peu agitée. Son patron veut que son climatiseur soit réparé avant la tombée de la nuit, ce qui devient une menace collective : les climatiseurs tombent les uns après les autres des immeubles, mettant en danger la vie des passants. A cela s’ajoutent, au début du film, des fragments d’actualité à la radio. Pendant ce temps, la pièce nécessaire pour réparer le climatiseur du patron se trouve dans le magasin d’électroniques Kota Mino, juste à côté.

Matacedo, avec Zezinha, forcent la porte à se fermer, puis, le fil narratif prend un autre tournant, quand ils découvrent le gérant du magasin dans une étrange voiture immobile dans laquelle viennent se greffer les images du souvenir déjà perdu de l’Angola. Kota Mino partage la découverte avec Zezinha, mais la fragilité de l’objet les fait partir au moment où ils trouvent la pièce qui pourrait réparer le climatiseur. Le retour à un présent incertain permet à Matacedo d’acquérir la pièce nécessaire pour retourner dans son appartement.

Aire Acondicionado est un film atmosphérique, réalisé sur l’une des principales avenues de Mutamba au centre de Luanda. Fradique s’appuie sur son collectif artistique, Geração 80, pour exprimer ses visions. La caméra stabilisatrice ( steadicam ) de son complice, Ery Claver, co-scénariste du film, suit avec une attitude d’indifférence, les allées et venues à Luanda. «Matacedo est un personnage qui incarne le reflet de l’état d’inertie et, à la fois, d’espoir par rapport aux dystrophies verticales dans lesquelles nous vivons», souligne Fradique. C’est un vétéran de la guerre qui ignore l’amertume que cela entraîne , joué par José Kitekulo.

Ce voyage épique pour rencontrer le boss irascible et réparer la climatisation prend son sens dans le labyrinthe de rues, de couloirs et de cours d’immeubles des années 1950. 

Aire Acondicionado ne fait pas attention aux détails quotidiens, mais sert plutôt de métaphore pour une maladie qui s’érode à un rythme inquiétant, souvent lent, sorcier et fantomatique. Certaines conversations entre Matacedo et Zezinha s’éternisent dans le temps, rythmées par les compositions jazz d’Aline Frazao . Si Aire Acondicionado commence par des photographies en noir et blanc époustouflantes de l’artiste angolais Cafuxi, le film se termine par des images actuelles de vieilles télévisions, comme si le présent du film était aussi fictif que visionnaire .

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